La tarification, outil de politique sociale

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Panorama des différents dispositifs de tarification sociale, circuits de subventionnement, volume de bénéficiaires et taux de prénétration des différents tarifs sociaux.

Panorama des dispositifs

En Ile-de-France, la tarification dite « sociale » prend plusieurs formes qui peuvent pour certaines se cumuler :

La terminologie « tarification sociale » englobe pour certains titres des réductions qui sont davantage de nature commerciale, dans la mesure où l’éligibilité à ces réductions n’est pas systématiquement conditionnée par des critères de ressources financières ou de statut (tarifs enfants, tarifs jeunes, etc.).

Titres spécifiques

Réservés à certains publics, ils correspondent le plus souvent à des réductions sur certains titres existants (demi-tarif sur les titres unitaires, 55%, 75% ou 100% de réduction sur les abonnements zonaux). Île-de-France Mobilités (anciennement STIF) définit ces titres (de son initiative ou à l’instigation de collectivités partenaires), leurs tarifs et les publics éligibles. Ces réductions tarifaires par rapport à la situation préexistante se traduisent par des pertes de recettes pour les transporteurs, qui sont compensées selon les cas par Île-de-France Mobilités et/ou les collectivités ayant sollicité la mise en place de la mesure. Île-de-France Mobilités s’appuie, pour mettre en place la tarification sociale, sur des partenaires (CAF, Conseils départementaux, etc.), et sur des critères d’éligibilité définis par ailleurs (reconnaissance administrative du handicap, bénéfice d’aides sociales, etc.).

Chèques mobilité

Les chèques mobilité constituent une réserve d’argent que les bénéficiaires peuvent utiliser pour acheter des titres de transport franciliens plein-tarif. Ils sont cofinancés par Île-de-France Mobilités et les collectivités qui souhaitent en distribuer aux publics de leur choix (dans le respect des critères définis par Île-de-France Mobilités).

Aides sociales des collectivités

Les aides sociales apportées par la Région, les Départements, les communes, etc., réduisent les frais de transport à la charge des usagers. Elles peuvent, selon le choix des collectivités, concerner l’ensemble des usagers ou être réservées à certains segments d’usagers uniquement.

Ces aides peuvent prendre la forme :

  • de subventions en tiers-payant, auquel cas le montant de la subvention est versé par la collectivité aux transporteurs et vient réduire d’autant le prix d’achat pour le bénéficiaire de l’aide ;
  • de remboursements : dans ce cas, l’usager avance les frais de son titre de transport et s’en fait rembourser une partie ou la totalité par la collectivité a posteriori.

Ce cas d’intervention en aide à l’achat de titre ne relève pas stricto sensu de la tarification sociale francilienne, dans la mesure où il ne se traduit pas par la création d’un titre de transport spécifique à tarif réduit (même s’il a pour l’usager les mêmes conséquences en termes de réduction du coût du transport). Ce mode d’intervention permet aux collectivités d’aider la mobilité des publics de leurs choix, indépendamment des critères définis par le STIF pour ses titres sociaux, par exemple en leur distribuant gratuitement ou à tarif réduit des titres de transport qu’elles ont préalablement achetés parmi la gamme tarifaire francilienne « tous publics ».

Liste des titres spécifiques à tarif réduit et aides associées
  • Améthyste : Subvention des départements
  • Imagine R : Subvention ou remboursement de certains départements; aides de certaines communes; remboursement employeur (notamment pour les apprentis)
  • Navigo Solidarité : Remboursement employeur
  • Gratuité Jeunes en insertion
  • Pass'Local : Subvention des collectivités
  • Abonnements scolaires : Subvention des départements; aides de certaines communes

Selon les titres et l’origine de leur mise en place, les mécanismes de financement / compensations sont différents (voir détails ci-après). En effet, les réductions tarifaires accordées se traduisent par des pertes de recettes pour les transporteurs par rapport aux ventes à plein tarif.

La compensation des pertes de recettes

L’instauration ou l’extension de tarifs sociaux se traduit généralement par des pertes de recettes pour les transporteurs, dans la mesure où des publics qui voyageaient auparavant avec des titres plein tarif peuvent désormais acheter des titres à des tarifs plus avantageux.

Île-de-France Mobilités compense alors ces pertes de recettes aux transporteurs en augmentant sa contribution à hauteur de la perte estimée a priori. Lorsque les tarifs sociaux instaurés résultent de la demande d’une collectivité (Région, Département, etc.), Île-de-France Mobilités passe avec ladite collectivité une convention de financement, qui transfère tout ou partie de la charge de la compensation à la collectivité.

L’intervention des collectivités

Les collectivités peuvent intervenir de deux manières dans la tarification sociale :

  • une collectivité membre du conseil du Syndicat des Transports d’Île-de-France peut proposer la création d’un titre à tarif social ou d’une réduction sociale ; la dite mesure doit être approuvée par le conseil du Syndicat des Transports d’Île-de-France ;
  • soit en intervenant comme tiers-payant sur la partie « recettes tarifaires »

Différentes modalités d’intervention des collectivités

L’intervention financière d’une collectivité peut prendre deux formes :

  • une convention de financement est signée entre Île-de-France Mobilités et la collectivité, le montant de la subvention versée par la collectivité étant généralement un montant forfaitaire indexé, déterminé originellement en sorte de couvrir tout ou partie de la perte de recettes estimée a priori ;
  • la collectivité achète les titres (Améthyste) ou intervient en tiers-payant, c’est-à-dire qu’elle verse directement au transporteur, pour chaque titre vendu, une subvention couvrant tout ou partie du tarif.
Circuits de subventionnement

Les interventions en tiers-payant des collectivités, en ce qu’elles modifient le prix payé par les usagers par rapport au tarif régional fixé par Île-de-France Mobilités, induisent des disparités départementales ou locales qui peuvent nuire à la lisibilité de la tarification régionale.

Les publics cibles de la tarification sociale définie par Île-de-France Mobilités

Les jeunes

Les jeunes ne relèvent pas de la tarification sociale au sens strict du terme, dans la mesure où les tarifs spécifiques dont ils bénéficient ne sont adossés à aucun critère de revenu (à l’exception des tarifs boursiers sur les forfaits Imagine R). Néanmoins, outre la motivation commerciale d’attirer pour la fidéliser la future clientèle de demain, la mise en place de tarifs réduits pour les jeunes se justifie par plusieurs considérations d’ordre social ou d’équité : les jeunes sont souvent captifs, dépendants des transport en commun (absence de permis de conduire et/ou de véhicule), ils ne bénéficient pas du remboursement employeur de 50% sur les abonnements lorsqu’ils sont scolarisés, les revenus de jeunes travailleurs sont plus faibles à leur début de carrière, etc.

Outre la gratuité accordée aux enfants de moins de 4 ans, plusieurs titres à tarifs préférentiels existent ainsi pour les jeunes de 4 à 26 ans :

  • Demi-tarif sur les tickets et billets pour les enfants de 4 à moins de 10 ans ;
  • Forfaits Imagine R Scolaire « toutes zones » (depuis la rentrée 2015), dont le tarif équivaut à 43% du tarif d’un forfait Navigo Annuel « toutes zones » ; à ce tarif préférentiel financé par le STIF et la Région Ile-de-France peuvent s’ajouter des aides supplémentaires accordées par les Conseils départementaux, qui viennent réduire le prix d’achat du titre pour les familles ;
  • Forfaits Imagine R Étudiant toutes zones (depuis la rentrée 2015), avec un tarif légèrement inférieur à la moitié du tarif du forfait Navigo Annuel toutes zones ; cet avantage tarifaire est financé par Île-de-France Mobilités et la Région Ile-de-France, et le Département du Val de Marne propose le remboursement de 50% du tarif ;
  • Ticket Jeunes Week-end, équivalent d’un Mobilis à demi-tarif, pour les jeunes de moins de 26 ans.

Les jeunes scolarisés peuvent également dans certaines conditions souscrire des abonnements scolaires particuliers : cartes scolaires bus lignes régulières, ou carte Scol’R s’ils empruntent les circuits spéciaux scolaires (« ramassage scolaire »). Ces titres et services spécifiques sont financés en partie par la dotation Transports scolaires que l’Etat verse annuellement à Île-de-France Mobilités depuis la décentralisation.

Pour plus de détails sur les titres et leurs conditions d’utilisation, consultez la section Tarifs jeunes.

Personnes en difficultés sociales et financières

Chèques mobilité

Les premières mesures d’aide à la mobilité des publics fragiles datent de 1998, avec la création des chèques mobilité, qui permet aux partenaires du STP d’intervenir en faveur de la mobilité des demandeurs d’emploi en distribuant des bons de transport d’une valeur de 4 ou 8 € que les bénéficiaires peuvent échanger contre des titres de transport plein-tarif franciliens. Le financement de ces chèques mobilité est assuré à hauteur de 30% par le STP, et à 70% par ses partenaires financeurs (essentiellement l’Etat, la Région, les Départements et les Assedic).

A mesure que s’est développée la Tarification Solidarité Transport , le périmètre des bénéficiaires des chèques mobilité s’est restreint (transfert des bénéficiaires de la CMU-C et allocataires de l’ASS, du RMI et de l’API vers le dispositif de la Tarification Solidarité Transport), si bien que les chèques mobilité sont aujourd’hui essentiellement distribués par les Missions Locales et les PAIO (Permanences d’Accueil, d’Information et d’Orientation) aux seuls jeunes franciliens de 16 à 25 ans en parcours d’insertion pour les aider dans leurs déplacements ponctuels (financement Île-de-France Mobilités-Région). Le Département du Val-de-Marne en distribue également aux jeunes de moins de 25 ans non aidés par la Région, aux titulaires de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) à taux plancher, et aux personnes très démunies sous forme d’une aide ponctuelle après évaluation du service de l’action sociale.

Tarification Solidarité Transport

La loi SRU du 13 décembre 2000 impose aux autorités organisatrices de transport urbain la mise en place de réductions d’au moins 50% sur les titres de transport pour les personnes ayant des ressources inférieures au plafond ouvrant droit à la CMU-C (couverture médicale universelle – complémentaire).

En application de cette loi, Île-de-France Mobilités a créé en 2001 la carte Solidarité Transport accessible aux bénéficiaires de la CMU-C ou de l’aide médicale d’Etat (AME). Cette carte permettait de justifier l’achat de tickets et billets à tarif réduit. À partir de 2004, elle a également ouvert le droit à une réduction de 50% sur les abonnements zonaux hebdomadaires et mensuels. Les pertes de recettes en découlant ont été prises en charge par Île-de-France Mobilités.

En 2006, la Région a souhaité intervenir de manière plus volontariste auprès des personnes en situation de précarité, d’une part en intégrant de nouveaux publics au bénéfice de la Solidarité Transport (allocataires de l’ASS, du RMI et de l’API), et d’autre part en augmentant le niveau de réduction : passage de 50% à 75% de réduction sur les abonnements, et mise en place des Forfaits Gratuité Transport (Navigo Gratuité) pour les allocataires du RMI (devenu RSA depuis) en 2007. Une convention de financement a alors été passée entre Île-de-France Mobilités et la Région, qui prévoit le versement par la Région à Île-de-France Mobilités d’une subvention forfaitaire annuelle couvrant en partie les pertes de recettes supplémentaires générées par l’extension du périmètre de la Tarification Solidarité Transport au-delà de l’injonction légale des 50% de réduction.

En 2016, le nouveau Conseil du Syndicat des Transports d’Île-de-France modifie les conditions d’attribution de la Tarification Solidarité Transport en excluant les bénéficiaires de l’AME.

Gratuité pour les jeunes en insertion

En 2010, la Région Ile-de-France, en charge de la formation et de l’insertion professionnelle des jeunes en difficultés d’accès à l’emploi, a souhaité renforcer son action en faveur de leur mobilité, qui reste souvent un frein à leur insertion, en répondant à leurs besoins réguliers de déplacements. En 2011 a alors été créée la gratuité pour les stagiaires de la formation professionnelle continue franciliens de 16 à 25 ans, engagés dans les dispositifs suivants du service public régional de formation et d’insertion professionnelle : Avenir Jeunes, Programme régional « Qualifiant », ou Ecole de la deuxième chance.

Cette gratuité, qui prend la forme d’un Forfait Navigo Gratuité que les stagiaires peuvent recharger chaque mois pendant toute la durée de leur stage, est financée par la Région Ile-de-France, via une convention de financement avec Île-de-France Mobilités : chaque mensualité de gratuité attribuée à un jeune en insertion fait ainsi l’objet d’une subvention de la Région à Île-de-France Mobilités.

Personnes âgées et/ou en situation de handicap

Forfait Améthyste

Mis en place en 2013, les forfaits Améthyste remplacent les titres magnétiques antérieurs qu’étaient les cartes Améthyste, Rubis et Emeraude. Ils sont destinés aux personnes âgées et/ou handicapées sous conditions de ressources, ainsi qu’aux anciens combattants.

Ce dispositif est particulier, en ce qu’il est intégralement financé par les Conseils départementaux. Ces derniers achètent auprès de Comutitres (le GIE des transporteurs regroupant la RATP, SNCF et Optile) les forfaits Améthyste, au tarif fixé par Île-de-France Mobilités. Ils les distribuent ensuite aux bénéficiaires de leur choix dans le respect des critères-cadres définis par Île-de-France Mobilités. Les conditions d’attribution peuvent ainsi varier d’un département à l’autre : critères d’éligibilité (âge, niveau de ressources, durée de résidence dans le département), zonage du forfait distribué, mise en place ou non d’une participation financière du bénéficiaire pour l’obtention du titre. Ces différences expliquent en partie la variabilité du taux de pénétration du dispositif selon les départements.

Avantages tarifaires ONAC et Cécité

Les titulaires d’une carte ONAC (délivrée par l’Office National des anciens combattants et des victimes de guerre) et les porteurs franciliens d’une carte d’invalidité avec mention Cécité bénéficient selon les cas de réductions sur les tickets et billets ou de la gratuité pour eux-mêmes et/ou leur accompagnateur.
Mis en place séparément par la SNCF et la RATP dans les années d’après-guerre (premier tarif réduit sur le ticket de métro pour les mutilés de guerre en 1930), ces différents avantages tarifaires ont progressivement été harmonisés entre ces deux opérateurs publics au début des années 1980 (pour les bénéficiaires résidant en Ile-de-France), avant d’être plus récemment étendus aux réseaux de bus exploités par les opérateurs privés (décembre 2012 pour les aveugles civils, décembre 2014 pour les invalides de guerre).

Les pertes de recettes générées par l’harmonisation et l’extension de ces avantages tarifaires sont prises en charge par Île-de-France Mobilités.

Service spécifique PAM

PAM est un service de transport à la demande spécialisé pour les personnes handicapées, réservé en priorité aux personnes justifiant d’un taux d’invalidité supérieur à 80%. Il est géré à l’échelle des Départements par délégation de compétence d’Île-de-France Mobilités, mais le tarif des courses reste fixé par Île-de-France Mobilités.

Le différentiel entre le coût des courses, tel que défini dans les contrats passés entre les Départements et leur exploitant, et le tarif acquitté par l’usager (qui couvre en moyenne 14% du coût de la course), est pris en charge de manière tripartite entre le Département, la Région et Île-de-France Mobilités, dans la limite d’un plafond préalablement défini. Le Département a la possibilité d’intervenir de manière plus volontariste, en prenant à sa charge une partie du tarif à la charge de l’usager.

Transport adapté

Île-de-France Mobilités prend en charge les frais de transports scolaires des élèves, apprentis et étudiants handicapés domiciliés en Ile-de-France qui ne peuvent utiliser les transports en communs, soit en raison de l’inadaptation de ceux-ci, soit en raison de la gravité de leur handicap.

Cette prise en charge, qui est conditionnée à l’avis favorable de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) dont relève le domicile de l’élève, apprenti ou étudiant, concerne un aller retour quotidien pendant la période scolaire (sauf cas particulier).

Elle peut prendre deux formes différentes :

  • mise en place du service de transport par Île-de-France Mobilités (taxis, ambulance, VSL, société de transport), en fonction du domicile, de l’établissement scolaire et des besoins spécifiques des élèves
  • remboursement des transports effectués par le véhicule personnel, sur la base d’un tarif kilométrique décidé par Île-de-France Mobilités, et sur présentation d’une attestation de présence de l’établissement scolaire

L’Etat contribue en grande partie au financement du transport adapté via la dotation Transports scolaires qu’il verse annuellement à Île-de-France Mobilités depuis la décentralisation.

Volume de bénéficiaires et taux de pénétration des différents tarifs sociaux

Volume des bénéficiaires

(*) : Les tickets et billets à demi-tarif sont utilisés indistinctement par les différentes catégories de publics éligibles. Les données de vente globales ne permettent pas d’identifier précisément quelle part des billets et tickets demi-tarif sont utilisés par telle catégorie.

Taux de pénétration

Calculer le taux de pénétration d’un dispositif, en comparant le volume de bénéficiaires effectifs au volume de bénéficiaires potentiels, nécessite de pouvoir dénombrer de manière fine tant le numérateur que le dénominateur. Cette connaissance précise n’est pas toujours possible au regard de la multiplicité des critères d’éligibilité qui peuvent se croiser (âge, statut, revenus, etc.) et du caractère sensible de certaines données sociales. Aussi les données présentées ci-dessous ne sont-elles que des estimations.

Ces taux de pénétration peuvent pour certains paraître assez faibles, notamment sur les titres offrant la gratuité des transports. Ils sont cependant globalement satisfaisants au regard des taux de pénétration constatés sur d’autres dispositifs sociaux ne nécessitant pas de contrepartie financière (minimas sociaux, CMU-C, tarifs sociaux de l’énergie).

Plusieurs facteurs peuvent en effet expliquer que des personnes éligibles à des réductions ou à la gratuité dans les transports ne sollicitent pas ces dispositifs :

  • non-utilisation des transports en commun (faible mobilité ou usage d’un mode de transport alternatif)
  • concurrence entre certains titres de transport (choix entre tickets t+ demi-tarif, carte scolaire bus et forfait Imagine R pour certains élèves par exemple)
  • méconnaissance de la gamme tarifaire et de leurs droits par les publics cibles
  • complexité réelle ou supposée des démarches,
  • peur de la stigmatisation de voyager avec un titre social, etc.